La plus grande catastrophe minière d’après-guerre en France. Le vendredi 27 décembre 2024, cinq décennies après le drame, Liévin va rendre hommage aux 42 mineurs tués au fond dont la mémoire perdure et doit perdurer à jamais.
C’était il y a tout juste 50 ans. Un souvenir déchirant qui hante toujours les esprits dans le Bassin minier. Vendredi 27 décembre 1974, après quatre jours de repos bien mérités pour fêter Noël, les mineurs de la fosse Saint-Amé reprennent leur dur labeur. Ils sont 90 ouvriers à quitter leur coron au petit matin, pour prendre leur poste, par 700 mètres de fond. Le climat est lourd. Depuis quelques jours, les Gueules noires se plaignent des conditions de travail, plus difficiles que d’habitude. L’air est irrespirable, tant et tellement que certains refusent de descendre dans ces galeries devenues trop dangereuses. Vendredi 27 décembre 1974, à 6 h 19 précises, alors qu’à la surface la Cité minière se réveille doucement, un bruit sourd retentit, venu des entrailles de la terre. Le drame tant redouté vient de se produire. Ils étaient 90 à descendre au fond, et sur cette centaine d’hommes, pas loin de la moitié ne reverront jamais leurs familles. 41 ouvriers sont tués sur le coup, dans ce qu’on qualifiera d’accident, « un coup de poussière », indiquent les premiers rescapés, sonnés, choqués, abattus par ce qui vient de se passer dans « la veine de Six sillons ».
41 victimes, puis 42 quelques heures plus tard. Pierre Bertinchamps vient de succomber à ses blessures. Les secours arrivent pour tenter de retrouver des rescapés. Mais ce sont des corps sans vie qui remontent un à un à la surface.
Les familles affluent elles aussi, dans l’angoisse d’une terrible nouvelle. Elles sont tenues à l’écart derrière les grilles de la fosse, dans une angoisse inimaginable, qui, trop souvent ce matin-là, laisse la place à des pleurs de douleur, des cris déchirants.
68 ans après la catastrophe de Courrières qui a fait 1099 morts, 62 ans après la catastrophe de La Clarence qui a ôté la vie à 79 mineurs, 4 ans seulement après l’accident, déjà, de Fouquières-lès-Lens qui a tué 16 ouvriers, la mort frappe encore. Liévin, la plus grande catastrophe minière d’après-guerre en France. Un tournant dans l’histoire de l’industrie du charbon en France, en plein déclin. Saint-Amé était appelée à être fermée. Elle l’a été avec une violence inouïe.
« Il ne s’agit aucunement d’une fête »
Chaque année, sur le parvis de l’église Saint-Amé, familles de victimes, anciens mineurs, institutionnels ou simplement des Liévinois et des habitants des communes alentours, sensibles à ce qui s’est passé à la fosse 3, se rassemblent pour se recueillir, et penser très fort à ces 42 mineurs disparus, aux familles des victimes, à la centaine de gamins devenus orphelins de leurs papas.
Vendredi 27 décembre, 2024 cette fois, on commémore les 50 ans de la catastrophe de Liévin. Un demi-siècle : pas assez loin pour être gommé des récits des anciens, et si proche, que ces mêmes récits n’ont pas perdu un poil de leur charge émotionnelle. Pour le cinquantenaire du drame, ensemble, la Ville de Liévin et l’association du 27 décembre 1974 ont planché sur un programme riche :
« Nous nous sommes mis au travail dès le mois de janvier, quelques jours après avoir commémoré le triste 49e anniversaire, rapporte Laurent Duporge, maire de Liévin et vice-président du conseil départemental. Le mot d’ordre est toujours le même : bien garder à l’esprit qu’il ne s’agit aucunement d’une
fête, la Sainte-Barbe est là pour ça. C’est un instant solennel, un moment de recueillement pour ne jamais oublier. »
Et André Verez, président de l’association du 27 décembre 1974 de reprendre : « C’est un moment essentiel pour nous, pour les familles. »
La commémoration traditionnelle, sans doute plus suivie encore, aura lieu le vendredi 27 décembre à partir de 10 heures, sur le parvis de l’église Saint- Amé. Une tribune de 200 places va être installée pour l’occasion, et la cérémonie sera diffusée sur la chaîne YouTube de la Ville. Peu importe la météo, cette cérémonie d’une heure à une heure et quart aura lieu. La flamme du souvenir sera allumée, la stèle commémorative fleurie.
Depuis le mois de septembre dernier, une fresque monumentale, réalisée par Rouge Hartley sur le pignon d’une habitation faisant face à l’édifice religieux, illumine le quartier. Sur 50 m², l’artiste girondine qui a travaillé en collaboration avec les archives de la commune, le musée de la mine de Lewarde, mais aussi les familles des victimes et les enfants de l’école Léo-Lagrange, a peint, au pinceau, une semaine durant, des enfants tressant une couronne de fleurs. Un chevalement se dresse aussi, en ombre portée, sur un mur de briques. L’oeuvre de street-art sera officiellement inaugurée le 27 décembre dans le cadre de la cérémonie.
Le président de la République, Emmanuel Macron, a été officiellement invité : « Il a pris acte de l’invitation, glisse le premier magistrat liévinois. On ne sait pas encore s’il sera présent, mais il est évident quenous accueillerons un haut représentantde l’État, comme pour les 40 ans, oùManuel Valls, alors Premier ministre,avait fait le déplacement. »
Un documentaire en avant-première
En raison du cinquantenaire, le programme habituel a été densifié, enrichi, grâce notamment au travail des associations Gueule noire et du 27 décembre 1974. Depuis la fin du mois de novembre des opérations de sensibilisation se tiennent dans les écoles, pour que la mémoire des mineurs disparus perdure. Samedi 14, mercredi 18 et samedi 21 décembre, des visites commentées de l’église Saint-Amé sont organisées. Du 6 au 28 décembre, l’exposition 27 décembre sera installée à la médiathèque Jacques- Duquesne, là où a eu lieu une rencontre atelier B.D. Sorti en 1963, le film Germinal a été diffusé toujours à la médiathèque.
Enfin, le documentaire réalisé par les deux Nordistes Romain et Germain Aguesse, sobrement intitulé La catastrophe de Liévin, sera diffusé en avant-première aux familles des victimes, vendredi 27 décembre à 17 h30 au cinéma Pathé à Liévin. France Télévisions devrait le diffuser en janvier 2025.