Dans l’Artois, le Département du Pas-de-Calais a fait le choix de proposer aux chefs de cuisine des collèges, ainsi qu’aux équipes de direction, un cycle de formation consacré aux aliments bio. Entre politique volontariste et obligation réglementaire, l’ambition du Département est de contribuer grâce au poids de la commande publique à la transformation des modèles en vigueur dans le monde agricole, tout en réduisant son bilan carbone. 

 

Le bio, qu’est-ce que c’est ?

Si l'Eurofeuille, le logo du label européen destiné à identifier les produits issus de l’agriculture biologique est bien connu du grand public, les grands principes de ce mode de production demeurent pour de nombreux consommateurs encore assez flous.

L’agriculture biologique est un type d’agriculture qui se différencie des systèmes de production dits « conventionnels ». Qu’il s’agisse de rotation des cultures, d’interdiction du recours à des OGM, à des pesticides de synthèse, de respect du bien-être animal, de chaîne de transformation et de distribution, le cahier des charges de l’agriculture biologique encadre l’ensemble des pratiques agricoles, qu’il s’agisse de production animale ou végétale, et l’ensemble de transformation et de commercialisation des produits, de la fourche de l’agriculteur à la fourchette du consommateur.

Tout savoir sur l’agriculture biologique.

 

Une ambition qui dépasse le cadre de l’alimentation

L’agriculture biologique, en comparaison avec son pendant conventionnel qui regroupe un très grand nombre de pratiques différentes, est intéressante à plusieurs niveaux. Qu’il s’agisse de protection de la biodiversité, de la santé des agriculteurs et des consommateurs, de maintien d’une économie locale, de la préservation de la ressource en eau, mais aussi de réduction des émissions de gaz à effet de serre, ce modèle agricole se veut en effet plus durable.

Et si dans l’immédiat l’un des objectifs de la collectivité est de garantir aux collégiens du Pas-de-Calais l’accès à une nourriture saine, équilibrée à un tarif raisonnable, le Département compte à plus long terme en mettant à la carte des collèges une part croissante de produits issus de l’agriculture biologique, ainsi qu’à celle de l’ensemble des établissements ou structures qu’il finance, réduire son bilan carbone et impulser une transition cers ces pratiques plus vertueuses, au bénéfice des agriculteurs, des habitants du Pas-de-Calais et de l’environnement.

Le bio en chiffres

  • 67 % du bilan carbone d'un produit alimentaire

    découle de sa production sur la parcelle. À titre de comparaison, son transport ne représente que 18%. Le choix d'une production respectant le cahier des charges de l'agriculture permet de réduire de manière significative l'impact de la production agricole.

  • 40 % d'émissions de N2O en moins par unité de production

    Le bio permet une réduction notable des émission de protoxyde d'azote, l'un des gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique. L'effet de ce gaz est à quantité égale, 300 fois plus puissant que celui du CO2.

  • 46 à 66 % d'émissions de gaz à effet de serre en moins

    sont possibles en grande culture en arrêtant le recours à des engrais de synthèse. Cette proportion varie en fonction des plantes cultivées.

Une approche nouvelle

Pour Thierry Roussel, chef de cuisine du collège René-Cassin de Lillers qui passe une partie de son temps libre au jardin, l’intérêt du bio n’est plus à prouver : « Bien manger aujourd’hui, c’est la santé de demain. » Mais en cuisine, le bio c’est aussi un défi : « Il y a la question de la formation du personnel et du recrutement. Par exemple pour moi, en 1985, quand j’étais à l’école hôtelière, on ne nous parlait pas du bio. C’était encore nouveau à l’époque, c’était vraiment une niche. Donc maintenant que l’on nous demande de changer nos pratiques, on est plutôt tous d’accord pour dire que ça va dans le bon sens, mais entre l’envie de travailler plus de produits labellisés bio et la réalité du métier, il y a encore du chemin à parcourir. »

Ces maîtres-queux doivent en effet chaque jour réussir le tour de force de proposer un menu complet et équilibré pour 2 euros 30 par élève, tout en tenant compte du goût des collégiens et en respectant les contraintes propres à la restauration collective : « si jamais on retrouve ne serait-ce qu’un tout petit peu de terre ou un puceron dans la salade, ça ne passera pas au niveau des contrôles du laboratoire départemental d’analyses. Donc pour nous, concrètement, cela contraint à rendre l'épluchage des légumes quasi obligatoire, même pour les légumes bio. Dans mon établissement, j’ai la chance que le personnel travaille en service partagé, ce qui fait qu’un agent qui assure l’entretien le matin peut venir renforcer l’équipe de restauration le midi. Ça me permet par exemple en anticipant, d’avoir une personne dédiée à l’épluchage le mercredi matin. Donc peut-être que généraliser ce mode de fonctionnement, ou disposer des services d’une légumerie départementale qui ne s’occuperait que d’éplucher et nettoyer les légumes, ça pourrait être des choses qui faciliteraient une meilleure introduction des produits bio dans la restauration scolaire des collèges. »  

 

Des outils, des solutions et des questions

Avec ce cycle de formation expérimental qui s’étalera jusqu’à la fin de l’année scolaire, l’objectif de la collectivité est de proposer aux chefs et aux équipes de direction des collèges des outils et un accompagnement pour que bio ne soit plus synonyme de casse-tête. Parmi les solutions proposées lors de ce premier rendez-vous l’accompagnement à la pratique du logiciel Easilys. Destiné à centraliser gestion des commandes, suivi des stocks et élaboration des menus, le logiciel permet entre autres de trouver de premières pistes de solution : passage par un marché public synonyme de coûts négociés, stables et encadrés, système de filtres pour retrouver facilement et rapidement les produits bios parmi la multitude de produits disponibles, système d’indicateur permettant de vérifier la réalisation des objectifs dans le cadre de l’application de la loi Egalim, et même générateur de menu pour imprimer le menu hebdomadaire et la liste des allergènes présents dont l'affichage est obligatoire dans chacun des réfectoires, ce logiciel est un outil de plus au service des chefs.

Des chefs, qui peuvent à tout moment poser leurs questions, faire part de leur expérience ou réserves, auprès de leurs collègues des services en charge des collèges et des politiques de développement durable de la collectivité, car s’il s’agit d’une formation destinée à accompagner les chefs de cuisine, elle est aussi pour l'équipe projet « une séquence d’échanges pour faciliter l’intégration dans nos pratiques des enjeux de transition et d’adaptation liés au changement climatique ». Les chefs et les équipes de cuisine œuvrent chaque jour en cuisine pour nourrir les 38 000 collégiens demi-pensionnaires du Pas-de-Calais, en première ligne pour sensibiliser les collégiens eux-mêmes, car bien manger, quand on grandit, c’est important pour sa santé et son développement, pour la planète, mais cela doit aussi être et rester un plaisir !