Pour les adolescents, se projeter dans l'avenir, ce n'est pas du gâteau. Et si en en faisant (des gâteaux), ils y voyaient plus clair ? C'est en tout cas le pari que fait le Département en organisant le concours de pâtisserie de l'Aide sociale à l'enfance (ASE), une idée innovante initiée par l’Établissement public départemental de l’enfance et de la famille (EPDEF) et accompagnée par la journaliste gastronomique, Louise Petitrenaud.
Mi-octobre, six établissements de la Protection de l’enfance du Pas-de-Calais ont sélectionné trois jeunes pour participer au Concours de pâtisserie de l’ASE. Depuis, les six équipes se préparent pour remporter le trophée. Cerise sur le gâteau, ils bénéficient d’un coaching personnalisé par des maîtres de la pâtisserie qui les suivront jusqu’à l’épreuve finale le 20 novembre prochain.
À Hardinghem, à la Maison d’enfants à caractère social de Guizelin, charlotte sur la tête et tablier soigneusement repassé, Noémie est sur des charbons ardents. La jeune fille de 17 ans, diplômée des métiers de l’hôtellerie et de la restauration au lycée professionnel du Détroit, pense à ce concours depuis qu’elle a été sélectionnée dans la Team Guizelin. Sa coéquipière, Houda, 16 ans n’a pas eu le temps d’y réfléchir. Elle remplace au pied levé une camarade qui a dû renoncer au concours. Néanmoins, elle aime la cuisine et passera son bac pro en restauration en fin d’année scolaire. Pour elle aussi ce challenge et la rencontre avec un maître pâtissier représentent beaucoup. Le troisième équipier, c’est Bryan qui n’aura la chance de participer qu’en cas de désistement de Noémie ou de Houda.
Un coaching de choix
Quand Romain Montagne, chef pâtissier et maître chocolatier de renommée nationale fait son apparition, les deux jeunes filles sont sans voix.
Romain est venu avec une recette qu’il a spécialement élaborée pour le concours. Un dessert inédit dont il confie la préparation à ses jeunes « élèves ».
Pour le chef pâtissier, ce coaching n’est pas anodin : « je reproduis ce que mon premier patron a fait avec moi depuis mes débuts en apprentissage, transmettre ce que je sais, partager ma passion avec les jeunes, leur donner le goût de la pâtisserie. »
Durant toute la matinée, Romain les accompagne, leur explique ses astuces, ces petits détails qui peuvent faire la différence lors du concours.
Tandis que Noémie taille les suprêmes de mandarines, Houda coupe les topinambours en fines lamelles qu’elle jette dans l’huile bouillante. Du coin de l’œil elles surveillent le lait sur le feu et les chips de topinambours frémissantes. La cuisine s’emplit d’une odeur chaude de vanille. Les gestes sont encore imprécis, mais les filles sont attentives. Elles écoutent, observent Romain et reproduisent les étapes.
Une équipe mobilisée jusqu’au concours
À leurs côtés, Philippe fait de même. C’est lui qui sera chargé de « l’entraînement » jusqu’au jour du concours. Habituellement, Philippe est chargé de la sécurité dans l’établissement, mais sa formation de cuisinier fait que pour lui aussi, c’est un grand jour et une grosse responsabilité.
Les étapes se succèdent, les jeunes filles n’hésitent pas à goûter chaque préparation qui composera la pâtisserie. Leurs yeux pétillent quand les tartelettes parfumées sortent du four. Mais lorsque vient le moment du dressage, tout le monde retient son souffle.
« On va gagner ! »
Avec d’infinies précautions, Noémie et Houda montent le petit gâteau dont nous ne donnerons pas les détails pour maintenir le suspense jusqu’à la finale. Seule indication : la fierté se lisait sur le visage des deux jeunes filles au moment de la dégustation, des félicitations de Romain Montagne et des applaudissements du personnel de l’établissement.
Car l’intérêt de cette action est aussi de permettre aux jeunes de gagner en confiance et en estime de soi, de développer des compétences culinaires et professionnelles, mais aussi de découvrir de nouvelles opportunités d'insertion sociale et professionnelle.
À la fin de cette matinée, Noémie était heureuse : « c’était trop bien. J’avais vraiment envie de participer à ce concours même si je n’avais jamais fait de pâtisserie. Cette matinée a été un super moment pour moi, impressionnant c’est vrai, mais tellement motivante et enrichissante. Maintenant il faut s’entraîner car je veux vraiment la victoire. On va gagner ! »
Même enthousiasme pour Houda : « ça a été vraiment une surprise pour moi quand on m’a demandé de participer. J’ai évidemment accepté tout de suite. Le chef a été super sympa et nous a appris un tas de choses qui, j’en suis certaine, vont me servir plus tard quand je travaillerai dans la restauration. Quant au concours, je suis assez confiante. Avec Noémie, on forme une super équipe. »
Pour Nathalie Leprêtre, directrice de la Mecs de Guizelin : « c’est vraiment un très beau projet que porte le Département. C’est valorisant pour les enfants comme pour les établissements qui les accueillent ainsi que les personnels qui font très bien leur travail. »
En attendant l’épilogue de cette action le 20 novembre au CFA d’Arras, La Team Guizelin, comme les autres équipes engagées, travaille d’arrache-pied pour décrocher le trophée des vainqueurs. La concurrence sera rude, mais quoi qu’il arrive, tous tireront profit de cette expérience.
Les établissements participants
MECS Asermines d’Accueil et relais à Oignies. Avec la cheffe Camille Pailleau.
MEA d’Arras EPDEF – Ados à Achicourt avec le chef Pierre Chirac.
MECS de Guizelin de Temps de Vie à Hardinghen avec le chef Romain Montagne.
MEA EPDEF– Walligators à Liévin avec le chef Alexis Beaufils.
MEA EPDEF– Ados à Longuenesse avec le chef Quentin Bailly.
MECS de l’Artois à Sailly la bourse de La Vie Active avec la cheffe Julia Wilner.
Une expérience peut en cacher une autre
Si Néomie, Houda et Bryan se sont peut-être découvert une vocation dans la pâtisserie, cette journée a aussi révélé d’autres talents. Ça a été le cas à Hardinghem pour Wahid, 12 ans. Appareil photo en bandoulière, GoPro sur la tête, le garçon a « mitraillé » ses camarades, immortalisé chaque étape, enregistré la plupart des interventions du chef... Photo-journaliste en herbe, Wahid n’a pas hésité à questionner le professionnel de l’image présent sur place et s’est trouvé une passion pour le reportage. Son travail sera d'ailleurs diffusé dans le GuizelInfo, le magazine de l’établissement.